Ce furent d’énormes masses. Des gens avoir le besoin de dire des choses, ou de faire catharsis, ou de se plaindre et proposer, ou de balayer la direction politique et de reconsidérer le système de représentation. Après décembre 2001, elles prirent la forme d’assemblées populaires et de quartier, fluctuantes et hétérogènes, mais toujours en recherche de politiques alternatives. Quelques unes se sont désarticulées avec le temps, d’autres ont souffert d’une forte désertion. Maintenant elles ne produisent plus le bruit des casseroles mais, plus silencieuses, n’arrêtent pas de générer des actions variées et de multiplier des débats politiques internes.
Dans leurs deux années d’existence, elles furent enracinées dans leurs quartiers avec une tendance à assumer des tâches que, elles le comprennent, devrait accomplir l’Etat. Elles ont une pratique commune qui les définit : elles discutent avec des procédés assembléaires, soumettent tout au vote et n’ont pas de leaders.
Au milieu de l’année 2002, on comptabilisait plus de 240 assemblées entre la Capitale et la banlieue. Quelques unes atteignaient plus de cent vecinos (voisins ou habitants) dans leurs réunions. Aujourd’hui elles sont une centaine, intégrées par une moyenne de vingt personnes, ou le double, dans certains cas.
Beaucoup d’assemblées ont installé des cantines populaires. Elles donnent à manger aux vecinos pauvres, aux cartoneros , et aux chômeurs. Elles ont leurs propres potagers. Elles offrent des ateliers artistiques, montent des bibliothèques, enseignent à lire et écrire et cherchent des sorties autogérées au chômage et aux problèmes de logement avec des critères d’économie solidaire. Il y celles qui mettent de l’énergie à éclaircir des crimes commis dans leur quartier, celles qui participent à la récupération de fabriques et celles qui agissent avec les piqueteros. Elles maintiennent toujours des débats politiques, dans les dernières semaines elles ont participé à la campagne contre l’ALCA (Zone de libre échange des Amériques – ZLEA) et donné leur opinion sur la loi des communes. Dans l’assemblée de Temperley, par exemple, ils ont célébré l’ouverture d’une boulangerie. On leur a donné un four et un réfrigérateur, ils se sont installés dans un local abandonné et un vecino enseigne le travail. Fabio Nunez, avocat et assembléiste : « L’activité porte une déclaration politique : c’est de générer le travail que nous refuse le système, générer ce qui nous semble impossible, comme un préalable au changement du système. Nous croyons au travail égalitaire. C’est notre forme de construire du pouvoir ». Le politologue German Perez, chercheur en protestation sociale à l’Université de Buenos Aires, soutient que « le repli des assemblées dans l’espace du quartier et la diminution de leurs membres, se doit en partie à l’expectative générée par le gouvernement actuel qui construit sa légitimité sur la base des demandes que formulèrent les assemblées : les purges dans les forces de sécurité, l’épuration de la Cour suprême. De plus, la participation passe par des cycles. Pour n’importe lequel des citoyen, participer est toute une forme d’investissement de ressources ». Il y a, en plus, des secteurs moyens qui devant les signes de recomposition politique en reviennent à la coutume de déléguer la représentation.

Les assemblées ont eu des moments algidos de présence dans les rues dans leurs premiers mois et ont convergé dans une interbarrial (assemblée inter-quartiers) dans le parc Centenario. Ici se cristallisèrent les problèmes entre personnes avec peu ou pas d’expériences militantes avec des partis politiques d’extrème gauche qui crurent voir dans les assemblées le germe d’une insurrection. Beaucoup de caceleros considèrent que cette situation provoqua des désertions. Cette année, les partis se sont retiré de l’arène assembléaire. Les nombreux épisodes de menaces à assembléistes, surtout en 2002, paraissent aussi avoir eu un effet répulsif.
L’articulation entre assemblées a toujours été compliquée. Après la disparition de l’interbarriale, il y a eu des tentatives de créer des instances de confluence qui furent établis par zone -il y a une interbarrial à Vicente Lopez, un groupe d’assemblées de la zone Sud, un autre en zone Ouest- et périodiquement se réunit un groupe des assemblées auto-dénommées autonomes. Selon Perez, il est difficile de parler d’un mouvement assembléaire. « Elles apparaissent avec des objectifs différents et ne sont pas toujours convergentes ; la construction d’une histoire politique partagée est une des principales difficultés ». Dans son étude « Modèles d’assemblées : entre l’auto-gouvernement et la représentation » (avec Martin Armelino et Federico Rossi), il fait une différence entre assemblées populaires (multiclassistes, opposées à l’Etat et avec des débats qui visent à l’unanimité) et assemblées de quartier (limitées au quartier, proposent des débats qui amènes des désaccords et cherchent le consensus) .
« Même si avec nos petites actions nous pensons être en train de construire un pouvoir populaire autonome, il est autant important de penser à améliorer notre qualité de vie que de discuter la relation avec les institutions et qu’exercer la démocratie directe. Qu’un chômeur puisse venir danser le folklore et se détendre est possible », affirme Viviana, 41 ans, de Corrientes y Juan B. Justo. Octavio, de Cid Campeador, ajoute : « Ceux qui sont en assemblée, nous résistons à l’apathie et au conformisme. La pratique assembléaire horizontale nous enseignent des valeurs que la politique traditionnelles n’a pas, ceci fait parti du que se vayan todos, continuer à rechercher des changements dans la logique de représentation ».
Pour Perez, autant le diagnostic que fit l’extrème gauche sur la direction que prenaient les assemblées que celui de la droite « qui disait qu’elles étaient le fruit d’un chagrin qui se terminerait quand apparaitrait l’argent », « ont obscurci la compréhension du processus ». « Les assemblées n’ont pas disparu ni échoué », souligne-t’il. « Elles sont bien plus latentes. La forme assembléaire comme pratique politique et procédure de prise de décisions se maintient disponible. Et en cela il faut reconnaître que l’ouverture d’un espace de résistance existe depuis avant 2001 avec les mouvements piqueteros. Maintenant il y a sans doute une politisation de l’espace du quartier qui a peu d’antécédents. Le que se vayan todos, non seulement reflétait une crise de représentation, mais il attaquait un régime de domination propre aux années 90. Il n’y a pas échec en cela, mais une attente d’une réforme politique ».

les cartoneros sont les personnes qui la nuit tombée ramassent le carton dans les rues de Buenos Aires. Il sont des centaines à parcourir les rues de la Capitale pour quelques francs. (N.d.T.)
2 la différence d’appelation recoupe aussi la composition de l’assemblée, les trotskistes qui en contrôlent quelques unes les nomment « populaires » alors que les autonomes parlent plus d’assemblées « de quartier ». (N.d.T.)

Irina Hauser (traduction de F. G. santelmo@no-log.org)