La plupart des gens d’ici sont scandalisés à l’idée qu’il puisse, au-delà des frontières d’Israël venir à l’idée de quiconque de boycotter leur pays, ses produits ou ses universités. Après tout, les boycotts sont considérés comme illégaux en Israël.



Quiconque appelle à ce type d’action est perçu comme un antisémite et un haïsseur d’Israël qui remet en question le droit à l’existence de l’état. En Israël-même, ceux qui appellent au boycott sont classés comme traîtres et hérétiques. L’idée qu’un boycott, si partiel qu’il soit, peut convaincre Israël de changer de méthodes —pour son propre bien— n’est pas tolérable ici.



Même une mesure évidente et logique —comme le boycott de l’Autorité Palestinienne sur les produits fabriqués dans les colonies— est hypocritement considérée comme une provocation par les Israéliens. De plus, alors qu’on reconnaît au boycott international le mérite d’avoir entraîné la chute du régime de l’apartheid sud-africain, on considère ici [en Israël] qu’il est hors de propos et qu’il n’y a pas de comparaison possible entre les deux situations.



À la rigueur, on pourrait admettre ces réactions intolérantes si Israël n’était pas lui-même l’un des boycotteurs les plus prolifiques du monde. Non seulement il boycotte mais il prône le boycott à d’autres, et va même quelquefois jusqu’à les traîner de force dans son sillage. Israël a imposé un boycott culturel, universitaire, politique, économique et militaire sur les territoires. En même temps, ici, presque personne n’a émis la moindre contestation en remettant en question la légitimité de ces boycotts. Et on envisage de boycotter le boycotteur ? Voilà qui est inconcevable.



Le plus brutal et le plus flagrant des boycotts est, bien entendu, le siège de Gaza et le boycott du Hamas. À la demande d’Israël, presque tous les pays occidentaux ont souscrit au boycott avec un empressement inexplicable. Ce n’est pas seulement un siège qui met Gaza dans l’indigence depuis trois ans. Et ce n’est pas seulement un boycott total (et stupide) du Hamas, sauf quand il s’agit de discuter de la libération du soldat Gilad Shalit. C’est une kyrielle de boycotts : culturel, universitaire, humanitaire et économique. Israël menace presque chaque diplomate désireux de se rendre à Gaza pour y voir de ses propres yeux l’insupportable spectacle.



De plus, Israël refuse l’entrée à quiconque souhaite apporter de l’aide humanitaire. Il faut noter que le boycott n’est pas seulement contre le Hamas, mais contre Gaza toute entière, contre quiconque y vit. Le convoi de navires qui partira bientôt d’Europe pour tenter de briser le siège transportera des milliers de tonnes de matériaux de construction, de préfabriqués et de médicaments. Israël a annoncé son intention d’arrêter les navires. Un boycott est un boycott.



Médecins, professeurs, artistes, juristes, intellectuels, économistes, ingénieurs, aucun n’est autorisés à entrer à Gaza. Il s’agit d’un boycott total étiquetté « Made in Israël ». Ceux-là mêmes qui parlent de boycotts immoraux et inefficaces s’y livrent sans sourciller quand il s’agit de Gaza.



Israël exhorte également le monde entier à boycotter l’Iran. Mais il n’y a pas que Gaza et l’Iran qui sont en cause : ceux qui veulent entrer en Israël et en Cisjordanie sont également touchés par cette nouvelle frénésie de boycott. Toute personne soupçonnée de soutenir les Palestiniens ou se disant préoccupée de leur sort est boycottée et expulsée. Parmi elles, un clown venu organiser un festival, un militant de la paix qui devait participer à un symposium, et des scientifiques, des artistes et des intellectuels qui donnent l’impression de soutenir la cause palestinienne. Ceci est un boycott culturel et universitaire à tout va, exactement le type de boycott que nous rejetons quand il est dirigé contre nous.



Et encore, la liste des boycottés par ce pays anti-boycott ne s’arrête pas là. Même une organisation judéo-américaine comme J Street, qui se définit comme pro-Israël, a été touché par une menace de boycott israélien. Nous avons le droit boycotter J Street parce qu’elle milite pour la paix, mais nous n’admettons pas que soient boycottés les produits fabriqués dans les colonies qui ont été construites sur les terres usurpées. Refuser l’entrée à un professeur invité par une université de Gaza n’est pas classé comme boycott, mais couper les ponts avec des institutions israéliennes spécialisées dans la formation accélérée d’officiers de l’armée et d’interrogateurs du service de sécurité du Shin Bet —des gens que le monde entier considère souvent comme complices de crimes de guerre— est considéré comme verboten.



Oui, un Israélien qui vit en Israël aura du mal à prêcher à d’autres les vertus du boycott alors qu’il ne pas boycotte pas son propre pays ou sa propre université. Mais c’est son droit de croire qu’un boycott pourrait contraindre son gouvernement à mettre fin à l’occupation. Aussi longtemps que les Israéliens n’en payeront pas du tout le prix, rien ne changera.



C’est une attitude légitime et morale. Elle n’est pas moins légitime ou morale que celle des gens qui affirment qu’un boycott est un outil immoral et inefficace tout en choisissant d’utiliser ce même outil contre d’autres. Alors, vous êtes contre le boycott d’Israël ? Eh bien commençons donc par renoncer à tous les boycotts que nous-mêmes imposons aux autres.


traduction : M.C. pour ccippp

http://www.ujfp.org/modules/news/article.php?storyid=743

Article original sur

http://www.haaretz.com/print-edition/opinion/boycotting…90573