La majorité des Français, dit-on, sont contre la chasse. Ils n’aiment pas que l’on tue les petits lapins, ni les biches, ni les faons. Même la chasse à courre, qui pourtant prend pour cible les cerfs, vigoureux, rapides et rusés, même celle-là leur répugne.

Nous approuvons les Français. Mais combien sont-ils à réprouver la chasse au gibier humain ? Pourtant, ce sport cynégétique en vogue ne se pratique pas au fond d’épaisses forêts, il se déroule sous leurs yeux, en pleine ville, ou encore aux péages de nos autoroutes, qui, loin d’être des lieux déserts, se révèlent au contraire comme des lieux d’affût privilégiés pour le chasseur, et de véritables souricières pour les chassés.

Contrairement aux chevreuils ou aux sangliers, qui d’instinct se méfient de l’homme, le gibier humain ne fuit pas le chasseur. Il est vrai qu’on raconte des histoires à faire peur sur des jeunes à califourchon sur des scooters, et qui finissent leur course insensée sur des poteaux indicateurs meurtriers. Naïf et peu suicidaire, le gibier humain se livre en confiance à ceux qui le pourchassent, croyant en l’humanité de leurs semblables, ces derniers assez habiles la plupart du temps pour ne pas opérer en uniforme de chasse.

La chasse à l’homme, quoique moins spectaculaire que la chasse à courre, a cependant bien des points communs avec elle. Comme elle, elle suppose toute une mise en scène, surtout dans sa phase terminale. L’hallali est affaire de professionnels. Vêtus de longues robes noires, officiant en public, ils font cercle autour de l’homme cerné, attentifs à ses dernières plaintes, faisant comme s’ils essayaient de comprendre son message, au moment même où ils décident de ne lui laisser aucun espoir. Le gibier est alors emmené en un endroit à l’abri des regards. Mais nous devons à la vérité de dire que, somme toute, la chasse à l’homme offre des raffinements autrement plus sophistiqués que la chasse à courre. Alors que, dans cette dernière, la curée est expédiée en quelques minutes, elle dure parfois jusqu’à 32 jours dans la chasse à l’homme – avec, suprême délice, un semblant d’espoir au milieu du gué.

Chasser les animaux est une survivance de la préhistoire, une pratique de l’humanité primitive, en somme. La chasse à l’homme, à la femme et à l’enfant est la marque d’un Etat policé, avec des lois, de l’ordre et des juges. Elle est la preuve indéniable de cette « politique de civilisation » que le monde entier nous envie. Elle résume en elle tout ce que notre identité nationale produit de meilleur.

Comment peut-on encore avoir envie d’ être Français ?
Tours, le 11/02/10

Collectif SOIF D’UTOPIES
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