La cigale et la fourmi, le retour !
Point de vue personnel de XY sur le bilan
du Camp Action Climat du début Août 2009 à Notre Dame des Landes

Cet événement s’est bien passé. L’organisation collective autogérée a bien fonctionné. Contrairement à ce que dit Presse Océan du 8 Août 2009, l’autogestion ça marche.

« Ils veulent tout se réapproprier, sans aucun système de hiérarchie. Mais l’autogestion n’a jamais été un mode de fonctionnement politique ».
http://www.presseocean.fr/actu/actu_detail_-Le-visage-d…u.Htm

Il y a eu une bonne mobilisation politique. Les remerciements des personnes engagées localement lors de la dernière AG étaient clairs. La pluralité des approches écologiques et politiques était bien présente. Il y a eu beaucoup d’actions tout au long de la semaine.

Le Camp Climat avait parfois un aspect camp de vacances, ce qui était aussi le signe que les personnes présentes s’y sentaient bien et qu’il était possible de vivre des modes d’être différents. L’intensité et l’authenticité étaient au rendez-vous. Nous avons baigné dans « cette étrange unité qui ne se dit que du multiple » dont parle Daniel Colson. Il estime que c’est une des définitions possibles de l’anarchie, suivant en cela la proposition de Deleuze et Guattari dans Mille Plateaux, livre paru en 1980.

http://raforum.info/spip.php?article2039

Pour ma part, j’ai, entre autres, participé à l’accueil du dôme « écoute », je trouve que c’est une évolution intéressante. Prendre en charge ce type d’activité dans les réseaux militants est important au même titre que l’accueil général, s’occuper des enfants, l’espace médical, la légal team, les infokiosks, la zone de gratuité, le média center, le suivi des médias, …

Les prises de décisions par consensus ont à la fois bien fonctionné et montré leurs limites, me semble-t-il. À 600 et en présence d’une réelle pluralité de positions, le consensus ne peut pas exister tout le temps. Il a été possible sur l’organisation interne du camp. Mais, l’exemple de la séparation entre le Camp Climat et la Semaine des Résistances montre qu’à un moment ou à un autre que les discussions ne peuvent pas toujours déboucher sur un consensus. Les débats qui ont suivi l’auto-réduction au Super U de Vigneux le montre également.

De plus, sur le rapport aux médias, il n’y a pas eu complètement consensus. Le leader des Désobéissants, Xavier, s’est exprimé en donnant son nom et son pedigree à la journaliste de Libération
.
http://www.liberation.fr/terre/0101584078-camp-action-c…isans

Ceci n’est pas très étonnant puisque cette personnalité partage les mêmes codes sociaux que les médias dominants : personnalisation des interventions, tendance à imposer sa vision des choses en réunion, forte propension au comportement de chefferie, reproduction évidente de la langue « macho ».

http://1libertaire.free.fr/Languemacho.html

Si vous ne savez pas qui est Xavier, tapez « Xavier désobéissants » dans Google web, puis dans Google images et vous aurez toutes les infos qu’il vous faut.

Les médias se sont comportés comme on le craignait : peu d’enquêtes réelles sur le terrain, confusion entre la Semaine des Résistances et le Camp Climat, incompréhension de la consigne adoptée par le camp et ironie sur notre désir de mettre en œuvre des médias libres dans Rue 89 en particulier. Nous avons eu droit à une comparaison avec la « Corée du Nord » dans Libération, à un jugement politique assez inhabituel pour nous, mais typiquement masculin dans Marianne : « Il y a beaucoup de femmes (et de gens en général) assez belles, et cela est souvent le signe de la vitalité d’un courant politique. », à un article écrit par la police dans Presse Océan, dans Marianne encore, à la diffusion du point de vue de Renan Dantec, qui s’autorise à parler au nom de tous/tes les écologistes présents/es sur place. Cette personne a fondé la radio Alternantes il y a bien longtemps. Maintenant, il est devenu, de son propre aveu, un notable local. Il est adjoint de Ayrault à la mairie de Nantes et il n’a jamais envisagé de quitter son poste. L’escroquerie politique a bien fonctionné, une nouvelle fois.

Seul Hervé Kempf, qui écrit dans le Monde, a compris ce qui se passait. Il a écrit deux livres récemment :

« Pour sauver la planète, sortez du capitalisme, » éditions du Seuil, Paris, 2009

« Comment les riches détruisent la planète », éditions du Seuil, Paris, 2007,

Voici un extrait de ses articles :
« La Semaine a cependant connu une animation continue, avec de nombreux débats et la présence, pour la première fois en France, d’un Camp action climat. Celui-ci, organisé par « un collectif d’individus », visait à démontrer qu’il est possible de vivre avec une empreinte écologique minimale et selon des modes d’organisation non-hiérarchique. Les quelque six cents participants ont ainsi vécu en quasi-autonomie énergétique (éoliennes, plaques solaires, générateur à huile végétale), utilisé des toilettes sèches, mangé bio et végétarien, trié et minimisé la quantité de déchets. Organisés en plusieurs villages, ils ont aussi expérimenté la démocratie directe, basée sur la prise de décision au consensus, l’absence de leaders, la répartition et la rotation des responsabilités…

Mêlant des personnes d’inspirations diverses (anarchistes, autonomes, « baba-cools », écologistes) et d’une moyenne d’âge nettement inférieure aux milieux militants traditionnels, le camp a vécu parfois en opposition avec les associations qui organisaient la Semaine de la résistance. Quelques membres du Camp ont ainsi déchiré des drapeaux des stands des mouvements (Verts, Attac, Parti de Gauche, NPA,…) qui s’étaient joints à la Semaine. La philosophie mise en œuvre tout au long de celle-ci a cependant montré la possibilité de renouvellement des démarches de lutte, face à des formes militantes qui s’essoufflent parfois.
Hervé Kempf »

Source :
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/08/10/premie….html

Ce que constate Hervé Kempf, c’est que, sans le savoir, nous avons réalisé le souhait de Félix Guattari. Désir qu’il avait exprimé dans son livre « Les trois écologies » paru en 1989. Il pensait qu’il ne fallait pas séparer l’écologie environnementale, le rapport à la nature, de l’écologie politique, les rapports sociaux, de l’écologie existentielle, le rapport à soi-même. Nous avons donc mis en œuvre une nouvelle politique qui a essayé de respecter ces trois approches. Cette politique a été imaginée théoriquement il y a 20 ans, mais elle n’a pas été souvent mise en œuvre dans notre pays. Il est important de noter que ceci n’a pas été fait depuis une posture d’avant-garde ni du point de vue d’un maître libérateur.

Plusieurs personnes ont posé des questions sur la position de No Pasaran. Ce groupe a choisi de rester au sein de la Semaine des Résistances. Ceci n’a pas étonné les camarades de la région nantaise. Plusieurs hypothèses sont possibles :
Le désir de certaines personnes de faire du profit et de garder une place d’exception a dû pousser à rester du côté du commerce et des organisations politiques classiques. La notion de place d’exception est identifiable quand une personne en position d’influence demande aux autres ce qu’elle ne s’applique pas à elle-même.

D’autre part, il est possible de regarder les manières de faire de la politique qui étaient présentes à cet endroit à ce moment-là. Dans ses travaux sur le pouvoir, Michel Foucault est arrivé à cette conclusion :

Le pouvoir n’est pas localisé que dans l’appareil d’État «… rien ne sera changé dans la société si les mécanismes de pouvoir qui fonctionnent en-dehors des appareils d’État, au-dessous d’eux, à côté d’eux, à un niveau beaucoup plus infime, quotidien, ne sont pas modifiés »

Michel Foucault, « Pouvoir et corps », Dits et écrits, T. II, 1975, p. 757.

http://leportique.revues.org/index625.html

Il y avait bien deux options différentes cet été à Notre Dame des Landes.

L’une, celle de la Semaine des Résistances, qui était basée sur la similitude avec le monde qui nous entoure : présence du commerce, des médias, apparitions sur le marché politique classique, chefferies diverses et variées.

L’autre solution était basée sur la différence, sur une certaine séparation d’avec le monde environnant. On peut parler de lignes de fuite personnelles et collectives. [*] Il ne s’agissait pas de proposer des solutions pour la gestion politique de tout le pays, mais de mettre en oeuvre nos idées sans attendre une hypothétique révolution. C’était le choix du Camp Climat, une option autogestionnaire sans commerces, sans médias ni porte-parole autoproclamés ou intervenants extérieurs dûment labellisés. Il n’y avait pas de réponse sur la totalité de la vie, mais la discontinuité était bien là. C’était assez incertain au départ, mais le désir de différence était assumé ouvertement. Les acquits des expériences militantes passées ont été une bonne base pour ce choix. On pense bien sur à No Border, au Vaaag lors du G8 à Evian, à divers campings militants, à des morceaux de vie en squat, à certains contres sommets et Camps Climats, à des modes de vie nomades, etc.

Il a fallu du temps pour que cette solution émerge. Il y a bien eu une accumulation d’acquits personnels et collectifs pour que tout cela prenne forme. L’accord collectif ne portait pas sur un programme commun. Lors de la préparation l’union s’est faite sur la brochure de présentation, qui n’est pas une plateforme politique classique. Cette autogestion s’est donnée des règles et les a appliquées. Il s’agit, encore une fois, de s’appuyer et de parier sur les foyers de forces présents. La notion de pouvoir existe toujours, mais du côté de la puissance, du « pouvoir de faire » pas du « pouvoir sur ». Cette option en actes a produit un effet de vérité : nous n’avons pas besoin de leader qui nous dise ce que nous devons faire, on le fait ici et maintenant. Tout ceci prouve, une nouvelle fois, que le pouvoir est lié à un système relationnel.

D’autre part, l’invention, la créativité étaient réelles. C’est une ouverture politique importante, localement et au niveau hexagonal. La place des femmes dans ce processus a été déterminante, je les remercie pour tout cela.

Pour ce qui concerne la suite, nous savons que les sarcasmes, l’ironie, les provocations, les insultes, la violence verbale, les intimidations physiques, la culpabilisation, les tentatives de blocage ou de fermeture, l’instrumentalisation des choses et des personnes vont continuer, au moins localement. Mais, notre autonomie et l’ouverture à l’autogestion seront basées sur un précédent. Nous savons maintenant que c’est possible, nous l’avons vécu au Camp Climat.

Pour les personnes qui s’intéressent aux phénomènes de chefferies dans le milieu militant, il est possible de se reporter au texte intitulé : « Comment devenir un bon dirigeant politique en dix leçons ? » écrit en Juin 1996.

http://1libertaire.free.fr/10lessons.html

La fourmi fait grise mine, la cigale a bien chanté cet été, mais elle sait qu’elle ne sera pas prise au dépourvu quand la bise sera venue.
XY, Nantes le 26 Août 2009

Note : La notion de « ligne de fuite » a été développée par Gilles Deleuze. Il est possible de se référer à cet article :
« Gilles Deleuze et Félix Guattari : La machine à gazouiller ! » de Guillaume Ollendorff disponible à cette adresse :http://1libertaire.free.fr/Guattari6.html

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Nouvelles de NDL

Mail du Vendredi 11 septembre 2009

Bonjour

Tout à l’heure j’ai discuté avec un habitant de la région de Notre dame des Landes.
J’ai demandé des nouvelles de ce qui se passait sur place.
Voici un résumé de ses réponses :

Ce qui s’est passé cet été a dynamisé la mobilisation, les gens de la région sont contents de tout cela, comme cela a été dit lors de la dernière AG.

Maintenant, la lutte est connue dans toute le Bretagne.
Le groupe de personnes qui s’est installé à la Gaîté est bien perçu.
C’est un groupe nombreux qui a la pèche et c’est bien !

Du coup, cela donne des envies d’initiatives locales.
La crainte que cela se passe mal avec les chasseurs est levée.
Il y a eu des discussions, le projet d’occupation est connu et accepté.
Les échanges montrent que la mobilisation s’amplifie.

Une autre crainte : l’auto-réduction au super u, qui aurait pu provoqué une coupure entre les personnes radicales et les mobilisations locales.
Ce n’est pas la sensation qu’ont les gens sur place.

L’Acipa a viré un journaliste de Presse Océan, qui ne voulait pas revenir sur l’article du 8-8 2009.

Le directeur du super u est connu pour plusieurs raisons et peu apprécié
localement :
* il est favorable à l’aéroport ;
* il n’a pas respecté ses engagements vis à vis de la commune de Vigneux
pour l’aménagement du terrain et de la voirie ;
* il a réussi à virer toutes les anciennes employées. Il a utilisé le
harcèlement moral pour les faire craquer. Plusieurs sont encore en dépression. Il a embauché des femmes plus jeunes pour les payer moins cher.

Le boycott local fonctionne encore assez bien.
Les gens du coin ne semblent pas traumatisés/ées par ce qui s’est passé là-bas.

La réaction à l’article de PO est en discussion.

La configuration des diverses situations s’est modifiée. Bien sur, il y a encore des difficultés et des blocages. Il est indéniable que la lutte avance et que les choses sont plus claires tant du côté positif que du côté négatif. Nous devons donc continuer à renforcer cette lutte.

XY, Nantes le 11/09/2009