En Italie, le 8 aout, est entré en vigueur le « Paquet Sécurité», nouvelle série de
lois et mesures sécuritaires. Parmi ces mesures il y a l’augmentation de la durée de
rétention des personnes dites sans-papiers : 6 mois d’enfermement contre 2
auparavant. Immédiatement, dans plusieurs CIE (centres d’identification et
d’expulsion), les retenus se sont révoltés : émeutes, incendies, organisations de
tentatives d’évasions collectives, grèves de la faim et de la soif.
A leur révolte ont fait écho toutes celles et ceux qui à l’extérieur luttent pour
la fermeture des CIE et la liberté de circulation et d’installation en général.
Ainsi, de nombreux retenus mettant en accusation le rôle des employés de la Croix
Rouge dans les centres, plusieurs personnes ont occupé il y a quelques jours le
siège de cet organisme à Turin. Des témoignages de personnes enfermées (entre autre
un témoignage où un retenu parle du comportement de la Croix Rouge à Ponte Galleria
centre de rétention situé à Rome) ont été lus et distribués aux employés et aux
passants.
Suite à cela, la cgil-fonction publique de Turin (pour ceux qui ne le sauraient pas
la CGIL est la grosse confédération syndicale … de gôche en Italie) a pondu un
communiqué condamnant l’occupation. Voici ci-dessous ce court communiqué puis la
réaction des camarades qui, en Italie, luttent contre les centres de rétention:

> On ne tire pas sur la Croix Rouge
> dans la soirée d’hier un petit groupe de 16 anarchistes a
> occupé le siège de la Croix rouge italienne de Turin pour
> contester la fonction d’assistance confiée à la croix
> rouge internationale auprès des centres d’identification et
> d’expulsion (ex CPT)
>
> Être contre la politique raciste et xénophobe du
> gouvernement ne peut en aucune façon remettre en cause et
> accuser le travail des salariés de la Croix Rouge, qui,
> dans des conditions extrêmement difficiles garantissent
> l’assistance sanitaire aux centaines d’êtres humains
> reclus, dans des conditions insupportables, dans des centres
> qui ressemblent toujours plus à des camps de concentration
> Cela vaut la peine de rappeler que les salariés de la
> Croix Rouge n’appartiennent à aucun corps militaire ou
> armé. Au contraire, pour la majeure partie, ce sont des
> travailleurs précaires qui accomplissent leur devoir,
> luttent pour maintenir l’assistance civile et et publique à
> toutes les personnes en difficulté. Pour le reste il suffit
> de rappeler la fonction humanitaire que la Croix rouge
> internationale exerce en situation de frontières comme
> Lampedusa pour comprendre que l’esprit qui anime les
> salariés de la Croix Rouge n’est certainement pas celui des
> prisons de Guantanamo.

Suite à cela, un texte de mise au point a été fait, accompagné d’une vidéo à faire
circuler sur le rôle de la Croix Rouge dans les centres d’expulsion et
d’identification italiens. Les voici :
Liens vers la vidéo :
http://www.autistici.org/macerie/?p=19353

http://www.youtube.com/watch?v=2169g-J1bUU&eurl=http%3A…edded

Texte :
Quelques faits survenus ces derniers jours nous laissent supposer qu’il y a des
choses équivoques sur le rôle exact que jouent à l’intérieur de la machine à
expulser toute une série d’organisations humanitaires ou d’assistance qui détiennent
la gestion des 13 centres d’identification et d’expulsion qui sont disseminés sur le
territoire. Nous parlons de la Croix Rouge bien sur mais aussi de la Misericordia,
des consortiums des coopératives Connecting People et Self pour parles des 1ers
noms qui nous viennent à l’esprit. A chaque fois que cette question revient sur le
tapis, il y a toujours quelqu’un pour dire « Mais pourquoi vous vous attaquez à
eux », « Si ce n’était pas eux qui soignaient les retenus ?, qui le ferait? ». Avant
tout, quand on parle de la Croix Rouge on a presque l’impression que son rôle dans
les centres se limite à organiser les gardes à l’infirmerie, à contrôler la date de
péremption des médicaments et
à veiller au rigoureux respect des « droits humains » dans les cages. Ce n’est pas
comme ça.
Gérer un centre ça signifie avoir en adjudication la gestion complète. Ca signifie
recevoir de l’argent du ministère et avec eux organiser la vie à l’intérieur – en
dehors de la surveillance, confiée aux forces armées et à la police. La Croix Rouge
qui gère les centres est responsable de tout et ce qu’elle ne fait pas directement
de ses propres main, elle l’adjuge aux autres, gardant toujours la responsabilité
principale. C’est la Croix Rouge qui doit se plaindre auprès de la Camst et de la
Sodeho si dans la soupe des retenus il y a des cafards ou si les épinards qui sont
servis sont périmés, pas la préfecture. Pareil pour la qualité des draps et de la
propreté, c’est la Croix Rouge qui est responsable. La Croix rouge choisit comment
dépenser l’argent des préfectures, comment organiser les services, opère certains
choix en autonomie et d’autres en commun accord avec les responsables de la
préfecture de police. Dans les centres en
fait, la Croix Rouge est tellement affairée qu’elle n’a pas le temps de soigner
l’infirmerie qui de fait est réduite à un distributeur automatique de psychotropes
et calmants. Voilà en quoi consiste la fameuse « supervision humanitaire « ».
Expliquons nous avec une image précise : dans 2 des 3 centres gérés actuellement par
la Croix Rouge en Italie, les salariés ont en main les clefs des cages. Ils les
ouvrent les cages, quand il faut, et quand il faut, ils les ferment. A Ponte Galeria
à Roma et à via Corelli à Milano, chaque jour et à chaque heure, à séparer un
sans-papier de la liberté il y a un salarié de la Croix Rouge avec des clefs dans
les mains. Et aussi au centre Brunelleschi à Turin, même si le trousseau de clefs
ce sont les policiers qui matériellemnt le tiennent, le rôle des salriés de la Croix
rouge dans les CIE est celui de gardiens de prison.
Et meme si ce n’était pas vrai que les salariés de la Croix Rouge ferment les yeux
sur les passages à tabac ou qu’ils y participent ; si ce n’était pas vrai qu’ils
rient quand des retenus désespérés se mutilent et hurlent de douleur ; si également
ils n’étaient pas complices des abus sexuels contre les détenues et négligeants face
aux problèmes de santé même graves des prisonniers ; si tout cela n’était jamais
arrivé, si Hassan
(http://parisseveille.info/un-mort-au-centre-de-retentio….html) n’était pas
mort sous leurs yeux indifférents et Salah et Mabruka
(http://www.celestissima.org/italie-mabruka-a-prefere-la…mort/) non plus, meme si
tout cela n’était jamais arrivé, les salariés de la croix rouge travaillant dans les
centres restent de toute façon des matons.
L’ « impartialité », l’ « équidistance » de la Croix Rouge entre l’Etat et les
reclus est entièrement déséquilibrée par la fidélité aux lois de l’Etat qui enferme.
Être équidistant et impartial, si on est logique, cela veut dire évaluer la
possibilité de violer les lois, d’ouvrir les cages. Il est évident que ça ne peut
être comme ça et et que cette « équidistance « », cette « impartialité » ne sont
que de vides artifices réthoriques. Quelqu’un affilié à la Croix Rouge qui voudrait
donner de la substance à ces qualificatifs doit avoir la prétention que
l’institution qu’il sert sorte des centres. Et la même chose vaut pour les salariés
de la Misericordia de Modena ou Bologna, des coopérants de la “Connecting People” a
Gorizia ou de ceux du consortium Self, de la cooperativa Albatros, de “Malgrado
tutto”, de Sisifo, de la Blucoop…
Notre discours n’est pas nouveau. Mais il est important de le clarifier vraiment
maintenant, surtout envers ceux qui définissent les nouvelles lois sur l’immigration
« lois raciales « » et « camps de concentration » les CIE. Il ne doit plus y
avoir d’excuses ni d’équivoques : si les CIE sont vraiment toujours plus similaires
aux camps de concentration, vouloir les gérer est une chose infâme et il faut le
dire haut et fort. Face à un camp de concentration , la non collaboration est le
minimum et il faut savoir la revendiquer, il faut lutter pour l’élargir et aller
au-delà. Et si les nouvelles lois sont vraiment des « lois raciales » les pétitions
et les cortèges ne servent à rien si en plus le gouvernement applique ces lois grâce
à notre propre travail.
Ou on choisit la non collaboration et puis l’opposition active, pratique et
déterminée ou on finit dans un guépier fait de déclarations ronflantes et
compromises, de beaux principes et de pratiques collabos, de discours aiguisés et
d’équivoques intéressés. Un guépier dans lequel chaque tension éthique se perd et
avec elle aussi le sens même des mots et de notre humanité.

(Tous les enregistrements et vidéo que nous vous joignons sont des enregistrements
de coups de téléphone éffectués les 5 derniers mois avec les retenus des CIE de via
Corelli, Ponte Galeria e corso Brunelleschi – tous les ? gérés par la Croix rouge.
Les conversations téléphoniques ont été retransmises en direct sur Radio Blackout de
Torino et surRadiocane di Milano,ou archivées sur le site //Macerie su macerie//)

Pour lire quelques témoignages de retenus traduits en Français, voilà les liens (les
témoignages sont d’abord en italien puis en français) :
http://www.autistici.org/macerie/?p=19283

http://www.autistici.org/macerie/?p=18923
http://www.autistici.org/macerie/?p=18803
Pour finir, rappelons qu’en France, les employés de la Croix Rouge sont présents
dans la zone d’attente de Roissy, une prison pour les étrangers auxquels l’accès au
territoire français est refusé. Plusieurs milliers de personnes y sont enfermées
chaque année. Une journaliste, Anne de Loisy, après avoir passé 6 mois comme
médiatrice dans cette zone d’attente a écrit un livre « Bienvenue en France ». Vous
y trouverez quelques renseignements sur le rôle de la Croix Rouge dans ces lieux.
Vous y apprendrez aussi qu’une note de la direction de la Croix Rouge, qui a
d’ailleurs porté plainte contre l’auteure du livre, demande expressément et
officiellement à ses employés qui ont parfois du mal à supporter en silence toutes
les horreurs dont ils sont témoins, de ne pas faire de vagues :
«Nous vous demandons dans le respect du principe de neutralité de la Croix-Rouge de
cesser tout commentaire sarcastique à l’encontre [de la police aux frontières] dans
le cahier de liaison.»