Quelle douleur de voir les images de nos frères indigènes se faisant tirer dessus et avec de graves brûlures, jetés sur la route ! Quelle douleur ! Après avoir dormi avec eux sur la même route il y a seulement 8 jours, après avoir partagé des histoires, une assiette de soupe et des milliers d’espérances, ces images ne sont pas seulement de l’information : c’est une blessure qui saigne. Et à la douleur s’ajoutent la colère contre les responsables et la frustration devant l’arrogance d’un gouvernement qui ne considère pas les peuples indigènes dignes d’être écoutés.

PHOTOS

http://amerikenlutte.free.fr/index.php?option=com_conte…mid=1

VIDEOS :

http://www.youtube.com/watch?v=Exjj4RAoszw

http://argentina.indymedia.org/news/2009/06/675676.php

Les informations à propos de ce qui est arrivé et continue de se passer dans les deux Baguas et dans les environs ne sont pas claires, mais il y a une chose qui est très claire : le Gouvernement ment. Yehude Simon, Mercedes Cabanillas, Mauricio Mulder, Alan García mentent. Ils disent que « seulement sont morts trois indigènes » alors que les « victimes » sont les policiers « attaqués » avec des « armes à feu » de gros calibre… Que leurs mensonges sont honteux et quelle honte que la télévision ne sâche que répéter leurs mensonges ! Ici tous, indigènes et policiers [1], sont des victimes du même assassin : le gouvernement, qui dans sa sottise a décidé d’imposer ses décrets en commencant un massacre de péruviens contre péruviens.

Soyons clairs. La route Fernando Belaúnde était prise depuis le 26 par plus de 3600 indigènes placés stratégiquement dans une zone difficile, très bien organisés et disposés à ne pas bouger jusqu’à obtenir des progressions concrètes dans la solution de leurs demandes. La Direction Nationale d’Opérations Spéciales (DINOES) avait très bien étudié la situation, survolait de manière constante la zone en utilisant des hélicoptères et se réunissait presque quotidiennement avec le Comité de Lutte. Quand le Ministère de l’Intérieur a donné l’ordre d’initier l’expulsion, le général Uribe Altamirano a dû expliquer les détails de la situation et l’Exécutif a dû avoir autorisé ce degré de violence, y compris l’utilisation indistincte d’armes à feu et l’autorisation de faire feu au corps et de tuer. La DINOES n’aurait pas procédé de la manière dont elle l’a faite sans être sûre qu’elle disposerait d’un soutien politique.

Et voilà le résultat : un massacre. Au moins 22 indigènes sont morts mais en croisant des chiffres et des témoignages on ne devrait pas être surpris que le chiffre réel dépasse les 50. Il y a des enfants morts avec des balles dans le corps. Il y a des cadavres avec des brûlures et il y a des témoins qui assurent que les corps sont jetés à la rivière Marañon. Il y a des dizaines de détenus dont la situation n’est pas connue.

Il y a des blessés graves et très graves et il y a assez de preuves qui démontrent que la Police a fait un usage « excessif », brutal et non nécessaire de la force.

De plus, il y a vingt policiers morts. Bien entendu que c’est terrible ! [2] Onze d’entre eux sont morts durant l’affrontement. Comme ont raconté des témoins de l’expulsion, les indigènes se sont affrontés au corps à corps avec des policiers en réussissant à leur retirer leurs armes ou en les blessant avec des machettes et des lances. Ces onze morts sont aussi douloureuses que celles des indigènes, et elles ne seraient jamais arrivées si le Gouvernement avait choisi de dialoguer. Mais il n’est pas possible d’oublier que ce sont des morts dans un affrontement, et il était très peu probable que ceux qui étaient agressés restent assis en regardant comment on leur tirait dessus avec des armes à feu.

Ce qu’il s’est passé à Kusú Grande, où se trouve la Station 6 du Pipe-line Nord-péruvien qui était clôturé et fermé depuis le 23 avril, est très différent. Là, 38 policiers étaient présents depuis des semaines, mais ils ont été obligés d’arriver à un accord par plus de 2000 indigènes de la zone. Vendredi, après le massacre à Bagua, neuf policiers ont été victimes de la colère awajun. Il est évident que l’on ne peut pas justifier d’aucune manière cet oeil pour oeil, dent pour dent. Cependant, nous ne pouvons pas cesser de dire que le Gouvernement a commencé sa barbarie EN SACHANT qu’il y avait 38 policiers en minorité absolue dans la Station 6 et qu’il était très probable qu’ils subissent un type de représailles. L’Exécutif a livré la vie de ces garçons sachant qu’en cas de débordements les indigènes perdraient des points dans l’opinion publique.

Aujourd’hui, le Gouvernement rejete la responsabilité de la violence sur les dirigeants indigènes. Je ne peux pas cesser de dire que ce que j’ai vu de mes propres yeux est le contraire : ce sont les dirigeants qui ont eu la capacité de conduire la protestation à l’intérieur des marges de respect pour les droits de l’homme. J’ai été témoin direct de comment une grande partie des dirigeants expliquaient plusieurs fois dans chaque assemblée et dans chaque réunion que la lutte devait respecter les droits de l’homme, qu’elle pourrait seulement triompher si la protestation était pacifique et que si elle devenait violente, ils seraient sans doute battus. Ainsi, ils ont contrôlé durant 56 jours des attitudes plus radicales et ont réalisé des actions massives, comme la fermeture de flux de pétrole et la coupure de routes, mais toujours d’une manière pacifique. Maintenant, le Gouvernement a forcé au chaos, a tué, blessé et obligé beaucoup de dirigeants à se cacher et a laissé un mouvement massif frustré sans direction politique. Évidemment, les conséquences sont imprévisibles, et pour cela l’Association Interethnique de Développement de la Forêt Péruvienne – AIDESEP – semble avoir pris la décision prudente de suspendre les protestations tandis que le panorama s’éclaircit.

(…)

Je ne veux pas laisser passer le fond du sujet. La « protestation irraisonnable » des indigènes est soutenue par trois rapports de commissions du Congrès, un rapport de la Defensoría du Peuple, un rapport d’une commission d’experts de l’OIT et de nombreux rapports privés. Il n’y a pas ici de « terroristes », « d’ignorants », « de manipulés », « de marionnettes » : il y a un peuple convaincu que l’État veut imposer au moyen de décrets controversés l’exploitation irrationnelle et agressive des ressources de leurs territoires, et cette conviction est suffisamment soutenue légalement et techniquement. L’ignorance est celle du Gouvernement, qui croit qu’il peut imposer son point de vue et mentir effrontément et que les péruviens vont rester tranquilles.

Il y a neuf nuits, Roberto, un awajun du bassin de Santiago, me racontait les histoires que lui avaient enseigné les vieux de la communauté à propos de comment divers personnages de la nature ont lutté avec génie pour vaincre les anciens hommes qui mangeaient d’autres hommes. « Ainsi nous en sommes là maintenant, luttant pour défendre la vie mais avec intelligence, non avec la force ». Ceci est ce que nos frères ont fait pour nous : lutter pour défendre la vie, défendre la forêt amazonienne d’une transformation agressive pro-patronale. Maintenant je ne sais pas si Roberto, Leonidas, l’apu l’Oscar, Ricardo et d’autres frères avec qui nous avons partagé cette nuit de lutte sont encore vivants, blessés et où ils se trouvent. Mais ce que oui je sais c’est qu’eux ou leurs frères continueront de lutter contre les « décrets de l’hortelano » et pour construire un Pérou dans lequel leur vision du « développement » soit écoutée et valorisée.

ea,07 juin 2009.

http://lapalabraingenua.blogspot.com/2009/06/los-han-ma….html

http://peru.indymedia.org/news/2009/06/44465.php

Traduit par

http://amerikenlutte.free.fr

Notes
[1] Certains propos ou commentaires n’engagent que leur auteur. (Note du Traducteur)

[2] Certains propos ou commentaires n’engagent que leur auteur. (Note du Traducteur)