Rafou est enfermé depuis le 4 mai, date de la perquisition au squat des Pilos à Chambéry, lors de laquelle il a été emmené dans un premier temps en garde-à-vue avant d’être transféré à la maison d’arret de la Santé le 8.
Lucas*, quant à lui, était entré le 12 mai dans les cellules de Levallois-Perret, puis le 15 dans celles de Fresnes.
Mike, après un séjour à l’hôpital Edouard Herriot à Lyon, au service des grandEs brûléEs, a été placé en détention le 14 mai dans un centre médico-pénitentiaire.

Le vendredi 29 mai, Rafou, Lucas* et Mike comparaissaient à Paris pour une première demande de remise en liberté, dans la même après-midi.

Et après Farid*, Juan* et Julien ces derniers jours, c’est au tour de Lucas d’être libéré. « Libéré », dans le sens d’où il sort d’entre quatre murs de béton terne, froid et gris, arrosé d’un coin de ciel bleu. Appeler « remise en liberté » un placement sous contrôle judiciaire, c’est une caricature.
Même s’il n’est plus en prison, sa vie, ses déplacements, ses fréquentations sont surveillés et controlés, limités au minimum, entre le contrôle judiciaire et le travail (considéré comme la seule raison valable et acceptable de sortir de chez soi, avec le pointage au commissariat, ça fait rêver).

Il est le seul à être sorti. Rafou reste en détention à la Santé, Mike à Lyon.
Ce qui a sûrement permis à Lucas* de sortir, c’est d’avoir un travail, de correspondre à un critère de « normalité », ou dit autrement de présenter des garanties de contrôle social. Ce n’est pas le fait d’être innocent, le sens de ce mot s’est perdu depuis longtemps ! Personne n’est innocentE dans un monde qui nous construit coupables.

Comment considère-t-on l’individu aujourd’hui ? C’est une fraction de pourcentage du fonctionnement de l’appareil économique. C’est un chiffre, une estimation.
Tendre vers zéro signifie pour eux que la vie ne vaut rien. Ne pas travailler, c’est être inutile.
C’est la seule chose qui importe.

Sur le compte de Mike et Zoé , on assiste à un déchaînement de commentaires méprisants à leur propos, véritable déni d’humanité, on leur reproche jusqu’au fait d’avoir vécu. On compte avec amertume comme ils sont nombreux à jouir quand ils déversent leur fiel sur ceux qu’on leur a désigné comme l’ennemiE public/que, le/la paria, le/la terroriste, le/la marginalE. Ils sont bien divertis les irréprochables, par cette farce publique, ils détournent bien facilement leurs yeux où on leur dit pour ne pas s’apercevoir de la catastrophe indigne qu’est devenu notre monde.
Une expérience s’est transformée en drame, qui lui-même s’est métamorphosé en lynchage en règle.
Lors de ce drame, les seules personnes qui ont été touchées sont Zoé et Mike, personne d’autre n’a été blesséE, et à qui importent quelques vitres cassées dans une usine désaffectée ? Qu’on nous laisse donc tranquille avec la tristesse qui nous appartient.

Mike et Zoé ont déjà payé cher. Mais ça ne suffit pas.
Mike a pu s’exprimer. Ce n’était pas un attentat, pas une entreprise terroriste, simplement une expérience. Mais ça, les juges refusent de le croire. Ils croient en l’intention de faire quelque chose dans un futur plus ou moins proche. Ils construisent cette intention et la condamnent immédiatement.
Les élément réels et factuels qui justifient de telles accusations sont des prétextes ridicules. La privation de liberté, le contrôle, reposent sur les intentions suspicieuses qu’on impute aux personnes : être « en lien avec une entreprise terroriste ». A partir du moment où on vous a pointé du doigt, vous pouvez prendre toutes les précautions que vous voulez, faire ce que vous voulez, se brosser les dent, utiliser du scotch, consulter internet, prendre le train, avoir des fréquentations et des pensées ; si on a décidé que c’est en lien avec une entreprise terroriste vous etes bonNEs pour l’inquisition des temps moderne et cibléEs par sa vengeance féroce.

À travers tous cela c’est le procès d’intentions et le procès d’idées qui se met en place.
Selon les paroles des enquêteurs eux-mêmes, le département antiterroriste ne se serait jamais déplacé si Mike et Zoé n’avaient pas été fichéEs comme proches des idées libertaires.
Preuve en sont les dizaines de vidéos consultables aisément sur les sites de vidéos en ligne, où on peut voir exploser le même type de produits que ceux retrouvés à Cognin…et qui ne donnent pas lieu à un tel déploiement policier, ni aux arrestations. Ni à la peur de sortir de chez soi.
La différence est dans le drame. La différence est dans le refus de Mike et Zoé de se laisser consommer et consumer dans la terreur et la banalité du quotidien. De vouloir construire en dehors.

Si nous refusons l’étiquette de « terroristes » qu’on nous colle à la peau, nous ne sommes pas non plus ces gens « bien sous tous rapports », innocentEs de tout, que la libération de Julien met en avant dans une sorte de mea culpa médiatique.
Personne n’est innocentE dans un monde qui nous construit coupables.
Notre existence seule est un bras d’honneur, un crachat au visage de la société « juste, citoyenne et démocratique » que nous ne reconnaissons pas, et qui ne cherche qu’à nous détruire. Celle qui nous refuse un deuil et se le réapproprie. Celle qui détruit des vies en toute impunité. Celle dans laquelle celleux dont le travail consiste à mettre les gens en prison, et pour le plus longtemps possible, sont tenuEs en haute estime.
Il n’y a pas de place pour nous ici.

Nous voulons construire avec des gens plutôt qu’œuvrer contre.
Nous cherchons à vivre. Pas à survivre.

Soutien et liberté à Rafou, Mike, et touTEs les autres.
A Zoé.

* : pseudonymes