Festival de musique rock en plein air
47000 Agen

Samedi 27 juin
Prairie du pont-canal
Entrée libre/ buffet et buvette à partir de 20h30

Avec les groupes :
Cartouche
The Shelters
MEDEF Inna Babylone
Askatasuna
Yearn for change
Blandest
Elevens

« La fête à Roger Petit »

Organisé par le groupe d’études sociales, un regroupement d’anarchistes à l’initiative d’une vieille figure libertaire locale Roger Petit.
Roger Petit a commencé de militer au côté des anarchistes espagnols, nombreux dans la région, il y a plus de cinquante ans. A 14 ans il était ouvrier, à 19 ans il était membre de la libre pensée.
Il est de ces ouvriers, comme l’ami Paul, contraints, très jeunes, aux plus rudes taches et qui toujours ont résisté à l’anéantissement d’une vie rugueuse et à la servitude, par l’engagement et en se cultivant par eux-mêmes, de cette manière dont Orwell désignait avec beaucoup de respect les ouvriers-intellectuels du siècle dernier qui à bien des égards, selon lui, valaient mieux qu’une nouvelle intelligentsia issue des mouvements ouvriers, mais qui jamais n’avait été soumises au dur labeur.
Il était des souffleurs de braises en mai 68, loin des barricades de la capitale, à Agen. Un groupe de lycéens s’en remettait spontanément à lui parce que sa réputation était ainsi faite, déjà, qu’il était très apprécié.
Durant plusieurs années il menait un combat inlassable contre le nucléaire et l’implantation de la centrale de Golfech en particulier.
La police seule, alimentée par ses supérieurs de paranoïa à l’encontre des anarchistes, paranoïa aujourd’hui consubstantielle à l’uniforme, le soupçonnait en 1983 d’être l’incendiaire de la gendarmerie d’Agen. Si curieusement, à l’époque, des gens « bien mis » vinrent signifier à un militant dont le fourgon-habitation fut incendié qu’il était par trop voyant, qui connaît Roger Petit se gausserait des soupçons que firent peser sur lui les argousins, si ce n’était généralement si préjudiciable à chacun…
Ces propos n’engagent que leur auteur car Roger Petit ne polémique pas sur le sujet.
Longtemps proche de la Fédération Anarchiste il était un élément rassembleur au côté des syndicalistes cénétistes notamment.
Un homme résolument au dessus des querelles qui alimentent sinistrement les divergences entre groupes libertaires.
C’est un anarchisme philosophique que le sien.
Cet homme mesuré et déterminé est connu de plusieurs générations de jeunes à Agen.
Pendant plus de trente ans il était l’éclaireur d’une certaine jeunesse plutôt désoeuvrée ou en quête d’une parole forte et humaine. C’est auprès de Roger Petit que beaucoup l’ont trouvé qui ne l’oublient pas.
On voit encore la frêle silhouette de Roger Petit parcourir les rues d’Agen, ses marches quotidiennes : on l’interpelle, il s’arrête, on le salue, on converse avec lui. S’ouvre alors un pan d’histoire, une approche droite et bienveillante, pacifique et attentive de l’anarchisme, de l’Homme.
Beaucoup de jeunes ont repris espoir chez lui, dans cet appartement où la pause café est encore à ce jour une source de réconfort, de quiétude et d’amitié pour nous autres.
Il est au plus proche de la philosophie élémentaire d’Orwell, la Common decency dont l’importance a été récemment remise en lumière par Jean-Claude Michéa.
Lorsqu’il s’est agi, il y a trente ans, de soutenir des camarades anarchistes réfractaires au service militaire, le groupe libertaire local, Roger Petit notamment, ont organisé deux journées de concerts pour payer les frais de défense. Car l’entrée est toujours libre, l’argent de la buvette a permis de financer un avocat.
Depuis lors, depuis trente ans, chaque mois de juin, parce qu’il n’y avait rien qui convienne à une jeunesse soucieuse de libertés et de joies, Roger Petit et ses amis ont implanté ce festival. Sans jamais recourir à des subventions, sur la seule foi de principes libertaires jamais reniés il finançait lui-même l’organisation de ce festival par le fruit des ventes à la buvette et le soutien en logistique apporté par les copains.
Parfois, rarement, un copain, une copine se fendaient d’un petit chèque pour combler le petit déficit de l’année écoulée.
Depuis 2001 cependant la mairie lui octroie une maigre subvention. Le passage à l’euro et l’augmentation générale des prix l’ont contraint à ce recours.
Il regrette d’ainsi compromettre son engagement libertaire mais les jeunes lui réclamaient une fête. Alors il pose cette question cruciale que plus rien ne peut s’entreprendre indépendamment de l’Etat et qu’à ce titre, une aide, même minime comme c’est ici le cas, grève la liberté de chacun et qu’à bien des égards, en dépit des péroraisons libérales et de la libre entreprise ce pouvoir là a porté une atteinte considérable à la liberté.
Sur les étendues vertes de la prairie les jeunes n’ont pas attendu le début du festival pour commencer la fête.
Sur l’herbe chaude et sous le soleil, sous un ciel bleu d’été, on boit déjà, on converse, on aime, on rencontre. Le soleil à peine couché, les tables de presse des groupes sont installées, on y vend des livres, des films, des tee-shirt. On découvre peut-être le syndicalisme de la C.N.T, la ligne politique de la Fédération anarchiste ou d’Alternative libertaire ?
La soirée commence, elle emplit la nuit d’un souffle inaccoutumé …
Vous y êtes conviés.
On vit rarement, à Agen, un homme qui ait tant œuvré pour la jeunesse. A l’heure où on l’encage et la suicide, où on lui ment et l’humilie, où on la surveille et la punit, où on l’oblige à renier sa force vitale par un engagement, sans alternatives et sans retours, dans des filières de plus en plus corrompues et qu’on le fait avec arrogance, à l’ombre des miasmes protocolaires des oligarques, un homme de 80 ans porte sur de plus jeunes un regard humain. C’est un peu l’air frais réclamé par Annie Le Brun et un espoir. Le seul peut-être ?
régis duffour