On loge des fruits et légumes, des œuvres d’art…et même Sarkozy.
Et si on logeait aussi les êtres humains ?

En Ille-et-Vilaine, chaque nuit, une soixantaine de personnes sont laissées à la rue, notamment des personnes étrangères qui cherchent à obtenir des papiers. Souvent, ces personnes sont demandeuses d’asile politique, c’est-à-dire qu’elles demandent à la France de les accueillir en tant que réfugiées parce qu’elles s’estiment persécutées dans leur pays d’origine.
Le traitement de la demande peut prendre plusieurs mois. Or, les personnes qui demandent l’asile politique n’ont pas le droit de travailler (depuis 1991) et, normalement, elles ont le droit d’être hébergées et prises en charge par l’Etat en contrepartie de ce non droit au travail.

Oui mais voilà l’Etat coupe dans les budgets dans le département. Pourquoi ? Parce que l’Etat juge l’Ille-et-Vilaine trop doté au niveau de l’hébergement des personnes étrangères par rapport aux autres départements. En 2008, environ 400 personnes étrangères étaient accueillies au titre de l’hébergement temporaire géré par les travailleurs sociaux de l’AFTAM, association financée par l’Etat (par l’intermédiaire de la DDASS) pour gérer l’accueil des personnes étrangères qui demandent des papiers.
400, c’est trop selon l’Etat. Alors ordre a été donné à l’AFTAM de faire en sorte que le dispositif soit épuré pour n’accueillir qu’une centaine de personnes. D’ici le 1er juin 2009, les 300 « surplus » devront avoir dégagé du dispositif. Par ailleurs, plusieurs suppressions de postes sont prévues dans le service d’hébergement temporaire de l’AFTAM.

En attendant que cet objectif « plein d’humanité » soit atteint, l’AFTAM est obligée de ne plus accueillir personne dans le dispositif d’hébergement temporaire des personnes étrangères qui demandent des papiers. Et elle est obligée de renvoyer systématiquement les personnes étrangères vers le 115, numéro d’urgence qui permet d’être hébergé-e en urgence pour quelques nuits dans une grande précarité.
Seulement voilà : le 115 explose car il a trop de demandes puisque l’AFTAM ne prend plus personne, voire doit organiser des sorties d’hébergement. Et, en plus, la DDASS a donné l’ordre au 115 de donner la priorité aux personnes qui ne demandent pas de papiers.

Depuis plusieurs années, notre collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes est contacté par des personnes étrangères à la rue qui nous demandent de faire quelque chose. D’habitude, ces contacts commencent à la fin de la trêve hivernale au moment où, parce qu’il ne fait plus assez froid, on « ferme des places » d’urgence.
Cette année, cela fait déjà un mois que les contacts ont commencé.

Chronique de la haine ordinaire des pauvres et des étranger-e-s en milieu sarkozyste

Mardi 4 février : Un demandeur d’asile géorgien est à la rue. Nous occupons le Théâtre National de Bretagne (TNB). Trois heures plus tard, il est hébergé.

Mardi 4 mars : Une famille kosovar avec 3 enfants de moins de 3 ans, dont la femme est enceinte, est à la rue. Nous occupons les Champs Libres. Trois heures plus tard, la famille est hébergée. Au moment où nous évacuons l’occupation, le camion de la Croix rouge débarque 4 personnes mongols demandeuses d’asile politique. Elles sont à la rue. Nouvelles démarches pour les faire héberger. Nous finissons par obtenir une solution.

Mercredi 5 mars : La famille kosovar et les mongols sont à nouveau à la rue. Au moment où nous décidons d’occuper un nouveau bâtiment (ce qui a demandé deux heures d’organisation), elles sont relogées.
Mardi 11 mars : Le matin, nous apprenons que la femme kosovar enceinte a fait une fausse couche. Le soir, deux hommes birmans demandeurs d’asile politique sont à la rue. Il est 20 heures. Le 115 est saturé depuis 16 heures. Nous occupons à nouveau le TNB dont le directeur commence à en avoir marre de voir « son » théâtre utilisé pour réclamer des logements. Au bout de 3 heures d’occupation, soit vers 23 heures, la préfecture propose d’héberger pour une nuit un des deux hommes…à St Malo à condition que nous l’amenions là-bas. Rire général de notre collectif. Pour l’autre homme, de 19 ans, ce sera la rue. Enervement général de notre collectif. Négociations bricolées. On finit par trouver une autre solution pour les deux hommes.

Mercredi 12 mars : Les 2 birmans sont à nouveau à la rue. Et tant d’autres qui vont finir par nous contacter. Nous sommes fatigué-e-s alors nous passons à une phase supérieure de la lutte car nous en avons ras-le-bol des solutions ponctuelles.

Selon l’article 11 du préambule de la Constitution française de 1958, « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ».

Les personnes étrangères qui demandent des papiers se trouvent dans l’incapacité de travailler puisqu’elles n’en ont pas le droit. Elles ont donc le droit d’obtenir de la collectivité un logement. Le raisonnement est logique sauf si le préambule de notre Constitution est du PQ ou si l’on nous démontre que ces personnes étrangères ne sont pas des êtres humains.

PARCE QUE NOUS VOULONS DES LOGEMENTS
POUR TOUTES ET TOUS,
FRANÇAIS-ES OU ETRANGER-E-S,
AVEC OU SANS PAPIERS,

nous occupons depuis le mercredi 11 mars Carrefour 18
(7 rue d’Espagne, métro Fréville, bus n°3 arrêt Alma) :

* pour héberger sur le lieu occupé les personnes laissées à la rue.
* pour construire une mobilisation pour le logement.

Nous appelons la population, les élu-e-s,
les organisations politiques, syndicales, associatives
à nous soutenir, y compris matériellement
(argent, nourriture, duvets, matelas,
participation aux équipes de nuit et de jour, etc.).
Et nous appelons les autres villes à
lancer des occupations similaires afin que le mouvement
reflète la réalité du logement dans ce pays.

Collectif de soutien aux personnes sans-papiers de Rennes