BESSON LE PETIT BLEU !
NON A LA DELATION !

Fin janvier, Besson, nouvellement installé au ministère de l’immigration et de l’identité nationale, a fait un périple à Calais. Il a bien été forcé de constater la situation inextricable, inhumaine (des hommes, des femmes, des enfants, des mineurs séjournent dans des conditions effroyables, en tentant de pouvoir se rendre en Grande Bretagne) dans laquelle se trouvent les multiples réfugiés survivant dans le Calaisis. Il s’est engagé à faire des propositions pour tenter de résoudre ce problème. Or, ce triste sire est pour le moins coincé.
La seule réponse réaliste serait d’ouvrir la frontière et ainsi permettre à ces personnes de vivre où elles le souhaitent, car la plupart d’entre elles ne veulent pas rester en France. Bien évidemment, le ministre ne peut accéder à ce souhait. D’une part, l’Etat français se verrait vivement interpeller par les autres membres de la Communauté Européenne qui n’ont de cesse d’ériger l’Europe forteresse ; d’autre part, la Grande Bretagne dénoncerait le gouvernement de Fillon et ferait en sorte que cette décision ne soit pas mise en œuvre.
Besson ne peut ouvrir un camp pour accueillir les réfugiés. Là encore, le gouvernement britannique verrait d’un très mauvais œil le fait que l’Etat français facilite la concentration de personnes n’aspirant qu’à franchir la frontière pour venir s’installer en Grande Bretagne. En outre ce serait désavouer Sarkozy. En 1999 le camp de Sangatte a été ouvert pour accueillir les réfugiés dans des conditions très difficiles. En 2002, le ministre de l’intérieur de l’époque (Sarkozy) le fit fermer avec le consentement de nombreux élus de la région comme Jack Lang, mais aussi le maire PCF de Calais de l’époque, etc. Ouvrir un nouveau camp, montrerait concrètement que la décision de l’actuel président était une gesticulation médiatique (ce qu’il ne peut se permettre en ce moment !) et qu’elle était totalement irresponsable.
Depuis des années, même dans des conditions effroyables, les réfugiés ont montré leur détermination à franchir la frontière et donc il est peut envisageable qu’ils quittent la région, sauf lorsqu’ils réussissent à passer.
Dans ces conditions que propose Besson pour tenter de régler le problème ?
Début février, il signe une circulaire invitant tous les réfugiés, demandeurs d’asile, sans papiers séjournant en France à dénoncer les passeurs. Le souhait du ministre est de « tarir » l’arrivée d’hommes et de femmes sollicitant l’asile ou un titre de séjour. Pour ce faire, il transforme ces dernières en victimes de trafics de passeurs. Mais si trafic il y a, c’est bien parce que l’Europe s’érige en forteresse. Si les frontières étaient ouvertes personne n’aurait besoin de payer les services de passeurs. Les réfugiés sont bien des victimes, mais en premier lieu des Etats fermant leurs frontières, empêchant la liberté de circulation et d’installation des êtres humains (mais pas des marchandises et des capitaux !). C’est à véritable jeu de passe-passe que se livre Besson : il cherche à dédouaner les responsabilités étatiques pour les transposer sur des passeurs organisant des trafics !
Dans sa grande générosité, Besson prévoit que si des réfugiés dénoncent leurs passeurs, ils pourront bénéficier de titres de séjour provisoires, le temps que la procédure judiciaire à l’encontre des passeurs soit terminée. Si ces derniers sont condamnés, les délateurs auront une carte de résident de 10 ans. Ainsi l’attribution d’un titre de séjour pourrait être conditionnée avec la collaboration avec la police et la justice (pour des demandeurs d’asile, on frise le délire !). Le réfugié/délateur devient dépendant de l’action de celles-ci. Il n’a donc donc aucune garantie sur son devenir administratif. Une circulaire n’a pas force de loi ; elle n’oblige pas un tribunal à ordonner l’attribution de titre séjour, en cas de recours. Des préfectures utiliseront-elle ce texte pour durcir encore plus la délivrance de titre de séjour ?
Cette circulaire est un véritable appel à la délation, banalisant ainsi cette pratique. On ne peut d’un côté dénoncer le régime de Vichy, et en particulier la délation qui en fait partie, et de l’autre l’instaurer administrativement. De ce point de vue, Besson (transfuge du PS vers l’UMP) est dans la droite ligne de son prédécesseur, Hortefeux. Les 3 et 4 novembre 2008, ce dernier a organisé une conférence européenne sur l’immigration à… Vichy (la mobilisation pour dénoncer le symbole que représente le régime de Vichy à l’occasion de cette conférence fit du bruit !).
Pour justifier cette circulaire et répondre au tollé qu’elle suscite, Besson amalgame tout et n’importe quoi ! Sur Europe 1, il déclare (le Monde du 5/02/09) : « Les femmes battues qui portent plainte doivent-elles être accusées de délation ? Ces clandestins doivent-ils éternellement rester dans leurs ateliers, dans leurs caves, dans leurs arrières-cours de restaurants, sur les trottoirs de la prostitution, pour ne pas qu’on les accuse de la délation ».
Comment peut-on mettre sur le même plan la délation (dénoncer quelqu’un à son insu) et le fait de porter plainte et faire valoir ses droits, le respect de sa dignité et de son intégrité devant un tribunal ? Dénoncer, collaborer ne pourront jamais être synonymes de faire valoir ses droits !
Comparer les demandeurs d’asile, les sans papiers aux femmes battues en les amalgamant, comme si ces dernières font de la délation en déposant plainte est une honte. Celles-ci doivent déjà affronter les réticences des gendarmes ou policiers chargés de recevoir leurs plaintes, affronter les menaces quotidiennes de leurs conjoints, voilà maintenant qu’on les culpabilise un peu plus en les accusant d’être des délatrices parce qu’elles réclament la simple reconnaissance d’un droit élémentaire : le respect de l’intégrité de leur personne.
Une fois de plus, avec de tels propos, la terreur conjugale vécue au quotidien par des milliers de femmes sera réduite au silence : « il y a pire que le bruit des bottes, c’est le silence des pantoufles ». Femmes restez dans vos pantoufles, taisez vous, ne déposez pas plainte contre vos conjoints maltraitant, vous deviendriez des délatrices… Voilà ce que vous dit Monsieur Besson !!
Qu’il dénonce les marchands d’esclaves, on ne peut qu’être d’accord. Pour limiter leur domination sur les sans papiers, cela passe d’abord par la régularisation globale et sans condition. Ainsi ces sinistres personnes ne pourront plus exercer leur chantage fondé sur la dénonciation à la police : la délation !
Dernièrement, Besson vient de remettre au goût du jour une décision ayant suscité un énorme tollé lors du débat parlementaire : la mise en place de tests ADN pour les personnes souhaitant venir en France dans le cadre du regroupement familial. Le but est de vérifier biologiquement si des personnes sont de la même famille. Comment peut-on avoir une conception aussi rétrograde de celle-ci ? C’est faire fi des histoires personnelles, des possibilités de séparations, de rencontres. C’est réduire la famille à ses seuls liens biologiques : exit le fait de pouvoir adopter des enfants, de pouvoir rencontrer un nouveau compagnon, une nouvelle compagne et de vivre avec ses enfants nés d’une autre union. La mise en place de ces tests ADN revient à n’accepter que la conception judéo-chrétienne de la famille ; c’est imposer une vision univoque des rapports humains, sous couvert de protéger la civilisation occidentale. Cela revient à légitimer le racisme différentialiste (son principe est de ne pas établir de hiérarchie entre les races mais de protéger les cultures et les civilisations en imposant que chacun reste dans son aire culturelle et géographique. Cela conduit à un monde complètement étanche où les personnes sont fixées à leur lieu d’origine. Un de ses buts est d’empêcher la libre circulation des pauvres et donc de justifier la fermeture des frontières et la constitution de forteresses pour les régions dominantes de la planète), théorisé par le pape de la nouvelle droite en France : A. De Besnoit.
Que ce soit à Calais ou ailleurs, la seule réponse politique réaliste et immédiate est l’ouverture des frontières. C’est donc bien de la liberté de circulation dont il s’agit. C’est une condition nécessaire mais non suffisante. A quoi servirait la possibilité de pouvoir circuler si l’on ne peut librement s’installer ? Il faut aussi revendiquer la liberté d’installation dans toute l’Europe, dans le monde. On ne peut dissocier ces deux revendications à moins d’admettre que des personnes puissent aller et venir sans pouvoir vivre où elles le souhaitent. Cela conduit donc à la régularisation et sans condition de tous les sans papiers. Ces trois revendications sont indissociables.
REGULARISATION DE TOUS LES SANS PAPIERS
LIBERTE DE CIRCULATION ET D’INSTALLATION
OUVERTURE DES FRONTIERES
FERMETURE ET DISPARITION DES CAMPS DE RETENTION
Tours, le 19/02/09
Collectif de Soutien aux Demandeurs d’Asile et aux Sans Papiers
adresse du site : http://csdasp37.free.fr/
06 34 19 64 98
csdasp37@no-log.org