Une série de scandales liés au dopage avaient déjà émaillé cette compétition, mais sur les routes les spectateurs continuaient d’affluer, en général pour applaudir les coureurs. Mais pas que…

Si vous avez l’habitude d’assister à ce type d’événement, la lecture du texte qui suit ne vous étonnera pas tellement, mais j’avais envie de partager quelques petites réflexions sur ces quelques heures passées en pleine France profonde, au milieu de Français bien blancs malgré le soleil et de nombreux vacanciers étrangers, pour la plupart en provenance des Pays-Bas.

Venu-e-s comme presque tout le monde « en famille », nous sommes arrivé-e-s quelques heures avant le passage des coureurs. Nous découvrons la présence de plusieurs centaines de personnes en haut de la petite côte où nous voulions nous mettre pour voir les coureurs passer. Le bord des routes est blindé de monde, plein de voitures sont garées le long des routes adjacentes et sur des plans d’herbe plus ou moins en friche transformés en parkings improvisés. On est en Dordogne, en pleine campagne et à mon avis, il n’y a jamais eu autant de monde rassemblé à cet endroit précis.

Après quelques difficultés à trouver un endroit où nous poser, nous nous mettons comme tout le monde au bord de la route, sous le soleil. On est les un-e-s sur les autres, c’est pour tout le monde pareil. Pourtant, on sent vite que l’état d’esprit collectif n’est pas très… « collectif ». Certain-e-s, arrivé-e-s à la première heure, aimeraient bien que personne ne leur cache la vue. Pas mal de vieux messieurs tirent des gueules de trois mètres de long, comme si on les avait poussés à venir jusqu’ici (ou à l’inverse, c’est peut-être la présence de tous ces gens « pas du coin » qui les dérange). L’ambiance est donc à l’image de ce que la société propose le restant de l’année: chacun-e pour soi et sa petite famille, « le reste, c’est pas mon problème ».

Avant le passage des coureurs cyclistes, il y a un impressionnant défilé de véhicules motorisés: un véritable carnaval publicitaire lors duquel des humain-e-s lisses et bardé-e-s de sponsors jettent des gadgets ridicules en direction de la foule. Il s’agit de la « caravane du Tour ». Le tout dure des heures, bien plus longtemps que le passage à venir des coureurs cyclistes, qui lui ne durera que quelques secondes (en deux fois car aujourd’hui il y a en tête un groupe d’échappés). Les sponsors du Tour de France font leur pub avec des véhicules colorés et décorés, des annonces au micro (certains s’arrêtent, même, pour vendre leur camelote).

C’est un phénomène très étrange que de vivre ce moment… Il y a un côté ludique quand tout le monde tente d’attraper au vol les gadgets qui arrivent sur le bas côté. Mais il y a surtout le sentiment d’être pris pour des abruti-e-s: il y a face à nous une débauche de fric, d’entreprise marketing, une espèce de mascarade publicitaire que tout le monde applaudit bêtement. Parce que dans le fond, qui a envie d’applaudir le Crédit Lyonnais (LCL), le Crédit Agricole et autres banques ou assurances. Qui a envie d’applaudir tous ces sponsors qui financent ce qui n’est qu’une grande tricherie mal assumée et permettent d’obtenir les produits dopants des nombreux coureurs du Tour ?
http://www.letour.fr/2007/TDF/presentation/fr/partenair….html

Je voulais venir avec une pancarte « Le Tour est à l’image de la société: tous les sales coups sont bons pour le fric et la gloire« . Mais je n’ai pas pris le temps de la faire. Je me suis dit que je la ferais sur place, en récupérant du carton ou je ne sais quel grand morceau de papier. Mais je n’ai rien trouvé de tel… En tout cas, les quelques remarques que je lançais de temps en temps à la volée (« escrocs » quand les véhicules de banques passaient, huées quand c’était le tour des policiers, etc.) ne semblaient pas recevoir la plus complice des attentions. Vous me direz, c’est normal, a priori les complices ne se déplacent pas pour voir un tel spectacle…

Quand la voiture publicitaire de la « Dépêche du Midi » s’est arrêtée pour vendre son journal et d’autres conneries, l’espèce de VRP qui était dans la voiture a pris le micro et s’est mis à faire un discours en hommage aux gendarmes et à la police française, les remerciant d’être sur le Tour, d’assurer « la vigilance et la sécurité » (mot d’ordre bien connu, repris à de nombreuses reprises ce jour-là)…

D’ailleurs, parmi les véhicules publicitaires de la « caravane » du Tour, il y avait des voitures (« décorées » elles aussi) de police et de gendarmerie.

Plusieurs minutes avant le passage des coureurs cyclistes, des gendarmes se sont postés sur le bord de la route pour inciter les gens à bien rester sur le côté. Dans ce but, l’un de ces gendarmes poussait les gens par derrière, assez brutalement, sans les prévenir.
Alors que le fameux gendarme remontait la route de notre côté, j’ai fait mine assez visiblement de lui faire un croche-pattes (à ce moment, je m’étais aperçu que des gens se plaignaient de son comportement). S’apercevant de mon geste, il s’est tourné vers moi et m’a dit en fronçant les sourcils « essaye un peu et t’auras mal aux chevilles! ». Merci la gendarmerie, merci de nous protéger et merci pour votre sens de l’humour.

Enfin, la présence de plusieurs hélicos dans le ciel annonçaient le passage imminent des coureurs. Précédés d’un tas de motards et de voitures, et suivis par encore plus de véhicules motorisés, les coureurs sont passés vite fait bien fait devant les spectateurs, sous des applaudissements dans la continuité des précédents…

Il était alors temps de rejoindre la voiture, dans une ambiance tout autant « chacun-e pour soi » qu’à notre arrivée, comme s’il fallait se dépêcher d’aller au boulot… Malgré quelques coups de main entre inconnu-e-s pour des histoires de voiture embourbée (malgré la chaleur), on pouvait surtout assister à des embrouilles entre automobilistes pressé-e-s. La vie, quoi.