Oaxaca de Juárez, le 4 juillet 2007.

C’est avec une joie immense que j’ai appris la libération du compañero
César Mateos Benítez, joie d’autant plus forte qu’il exprime sa volonté de
sortir de prison pour renforcer notre combat et lutter aux côtés de tous
les peuples de l’Oaxaca. J’ai aussi été émerveillé d’apprendre ma
prochaine libération, prévue pour le 15 septembre, ainsi que le transfert
de Flavio Sosa et de son frère Horacio dans un centre pénitentiaire de cet
État, mais je remarque qu’aucune mention n’a été faite des compañeros
Miguel Ángel García, Víctor Hugo Martínez Toledo, Jaciel Cruz Cruz et
Wilber Aquino Aragón dans les déclarations qui me sont parvenues.

Au demeurant, ces déclarations ne peuvent que surprendre car elles
montrent clairement que, en dépit de la volonté exprimée par la majorité
de ne pas négocier avec Ulises Ruiz, de telles négociations ont
effectivement eu lieu et en outre en situation de faiblesse totale, alors
que la réalité, dans la rue, au sein du mouvement des Oaxaquiens et des
Oaxaquiennes, manifeste une accumulation toujours plus rapide de force et
de maturité.

La surprise qu’entraînent ces déclarations, ressassées jusqu’à la nausée
dans les médias, laisse place à une énorme indignation quand on sait que,
le jour même où elles étaient prononcées, Ulises Ruiz, adoptant une
attitude cynique et triomphante, affirmait que toutes les exigences de la
Section 22 du syndicat enseignant étaient satisfaites et que le plantón
avait achevé de remplir sa fonction, qui était de servir aux négociations,
affirmant aussi que la fête de la Guelaguetza des hôteliers et des
restaurateurs aurait bel et bien lieu… On comprend mieux beaucoup de
choses.

Ce qui n’était qu’un simple secret de Polichinelle est aujourd’hui
évident. À savoir : que des fonctionnaires du gouvernement d’Ulises Ruiz
ont participé au dialogue réalisé à Mexico les jours précédents et que
l’on y a discuté de la libération des prisonniers politiques – ou de leur
transfert, dans le cas de Flavio et d’Horacio Sosa –, en échange de quoi
la Section 22 permettrait qu’ait lieu la Guelaguetza des commerçants et
garantirait l’abandon du plantón dans le centre historique d’Oaxaca.

Le cynisme que manifeste Ulises Ruiz dans l’emploi factieux de la loi et
du système judiciaire est aussi évident qu’inouï, sans parler du fait
qu’il est on ne peut plus clair, une fois de plus, que rien n’est plus
important aux yeux d’Ulises Ruiz, de toute la classe politique et du
patronat que de protéger à tout prix les affaires et la fortune qu’ils ont
accumulée aux dépens de la culture et de la richesse de nos peuples.

Bien que l’on ait pu croire que l’ensemble de nos exigences parfaitement
concertées était en passe d’être satisfait, au point qu’une première
partie de ce bloc de demandes, incarnée par la libération de notre
compañero Cesar Mateos, avait déjà eu lieu, et tandis qu’Ulises Ruiz
braille à tous vents que ce n’est plus qu’une question de jours pour que
le plantón du zócalo d’Oaxaca se retire, l’Assemblée de l’Oaxaca des
enseignants du 2 juillet a gâché les réjouissances de ce gouvernement
criminel et ruiné la tranquillité de ceux et de celles qui sont déjà
fatigués de se battre. Aujourd’hui en effet, les bases des dignes
enseignants démocratiques de la Section 22, nos chers instituteurs et nos
chères institutrices décideront si la réponse donnée à toutes les
exigences satisfait à la soif de justice et de liberté de cette population
noble, courageuse et humble que constituent les peuples de l’Oaxaca.

C’est à vous, instituteurs et institutrices de l’Oaxaca, que je m’adresse
respectueusement, de ma cellule de la prison de Santa Maria Ixcotel, afin
de vous exprimer mon entière confiance dans la sagesse et dans le courage
des décisions que vous prendrez. Quant à moi, ici, dedans, à chaque jour
et à chaque heure qui passent, je cherche à correspondre à cet immense
courage et à cette grande sagesse de notre peuple qui lutte et résiste, en
supportant la prison avec dignité, en refusant de troquer ma liberté
physique en échange de mon âme et de la dignité qui sont enfermées ici. Je
sais que le chemin que nous avons commencé à emprunter, il y a plus d’un
an est le bon, aussi n’ai-je pas peur de rester emprisonné entre ces murs
si cela signifie que notre mouvement continue, avec vigueur et courage. Et
si le gouvernement des puissants et des criminels veut nous présenter
comme des obstacles à la lutte digne et valeureuse que les peuples de
l’Oaxaca ont choisi de livrer, je désire à titre personnel que la lutte
pour ma liberté, au lieu de constituer un obstacle, soit un motif
supplémentaire parmi tant d’autres pour poursuivre la lutte et combattre
ce système d’exploitation, de misère et de mort.

Le chemin de la violence n’est choisi que par qui ne peut choisir qu’entre
la violence et le chemin de la couardise. Quant à nous, nous avons trouvé
la voie de la dignité, le chemin de la lutte pacifique dans la rébellion
et la dignité. Le gouvernement des puissants nous a meurtris, nous a
assassinés, nous a violés et piétinés, mais il n’est pas parvenu à nous
arracher la dignité ; celle-ci est bien protégée, au plus profond de nos
cœurs. C’est la graine latente de la rébellion, qu’aujourd’hui le
gouvernement des puissants voudrait aussi nous arracher, parce qu’il sait
pertinemment qu’un peuple digne est un peuple invincible.

Avec mon respect le plus profond quant à l’autonomie de décision des
enseignants démocratiques de la Section 22, je me permets pour finir de
mentionner une simple phrase, qui plus qu’une phrase est un esprit : « EL
MAGISTERIO Y PUEBLO UNIDO JAMÁS SERÁN VENCIDOS » [« Les enseignants et le
peuple uni ne seront jamais vaincus »].

David Venegas Reyes « Alebrije »
Prison de Santa Maria Ixcotel, Oaxaca.

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Aux personnes honnêtes et dignes du monde,
À la société civile nationale et internationale,
Aux moyens de communication,
À tous ceux qui éprouvent cette souffrance appelée Oaxaca,

APPEL URGENT POUR DAVID VENEGAS !

Le 12 juin dernier, David Venegas Reyes a bénéficié d’un non-lieu,
conformément à ce qui est établi ci-après :

« ARTICLE UNIQUE : La Justice de l’Union [le Mexique] défend et protège
DAVID VENEGAS REYES contre la sentence rendue à son encontre par le juge
mixte de première instance de la juridiction de Tlacolula, État de
l’Oaxaca, consistant en l’incarcération formelle en prison dictée le vingt
et un avril de l’an deux mille sept, grosse 157/2006, pour délits de
sédition, d’association délictueuse et dommages par incendie. »

David Venegas devrait donc déjà être affranchi de la prison d’Ixcotel, où
il demeure cependant en raison d’un arbitraire qui constitue aujourd’hui
non seulement une injustice et une agression contre le Peuple de l’Oaxaca
et contre tous les gens honnêtes et dignes, mais aussi un abus d’autorité
qui est en outre illégal. Ulises Ruiz et ses complices veulent le
maintenir en prison deux mois de plus, sans avancer de raison et sans
raison aucune. Pour quoi ? Dans quel but ? Dans quel droit ?

Nous lançons cet appel urgent pour que, ce lundi 16 juillet, en
commémoration du jour où le Peuple d’Oaxaca avait décidé d’annuler la fête
officielle de Guelaguetza, en 2006, le jour où Ulises Ruiz prétend fêter
sa propre Guelaguetza avec le peuple derrière les barreaux, tout le monde
manifeste à sa manière devant les sièges diplomatiques du Mexique, devant
les sièges administratifs de l’État de l’Oaxaca, dans l’ensemble du
Mexique ou à Oaxaca même. Qu’Ulises Ruiz ait donc sa Guelaguetza derrière
les mêmes barreaux qui retiennent prisonnier David Venegas et avec
lesquels il veut le briser, lui et le Peuple de l’Oaxaca tout entier.

LE LUNDI 16, TOUS POUR LA LIBERTÉ !

Remettez une déclaration au siège des délégations diplomatiques du Mexique
ou de l’Oaxaca dans vos pays. Envoyez une déclaration ou une lettre de
soutien à vocal@riseup.net, avec copie à comunicacion@nodho.org
Manifestez publiquement comme vous l’entendrez.

Pour David !
Pour Oaxaca !
Pour la Liberté !

Réseau des droits humains « Nodo de Derechos Humanos :
http://www.nodho.org