Une des raisons, autre que juridique, pour laquelle Evo Morales a décidé de ne pas exproprier les compagnies pétrolières étrangères et de récupérer à 100 % le contrôle et la gestion totale des gisements est que l’Etat bolivien ne dispose pas de capitaux suffisants pour assurer les investissements nécessaires pour plènement exploiter ses ressources naturelles, et le gaz en particulier. C’est pourquoi Morales avait affirmé en parlant des compagnies pétrolières : « Nous n’avons pas besoin de maîtres mais d’associés ». Alors qu’avant les compagnies pétrolières devaient verser 18 % de leurs profits (sous différentes manières), aujourd’hui la « nationalisation » a fixé le taux à 50 % ou 82 %. On peut entendre cette mesure comme : « si tu apportes les investissements dont j’ai besoin, je te laisse la moitié des profits, si tu n’es pas d’accord dégage ».

Mais avec cette dernière solution, l’Etat bolivien n’a pas l’argent nécessaire pour exploiter au maximum les réserves de gaz qui sont énorme (sauf si PDVSA, la compagnie vénézuélienne lui vient en « aide »). Or malgré cette « nationalisation light », les compagnies pétrolières étrangères, et en particulier la plus présente dans le pays, la « brésilienne » Petrobras, se refusent à « coopérer » avec l’Etat bolivien, en particulier à apporter des investissements (sous le prétexte que leur « retour sur investissements » ne sera pas aussi élevé qu’il le serait sans ëter associé à YPFB, la compagnie publique bolivienne, c’est à dire qu’elles ne pourront pas continuer à piller les ressources naturelles boliviennes « comme elles le voudraient ». Un article de Pagina/12 peut nous aider à comprendre quelques uns des enjeux et dangers auxquels s’affronte la Bolivie, et aussi l’Argentine, qui s’est tellement laissée « piller » (sans contrepartie d’investissements d’exploration pour renouveler ses réserves) par les transnationales, en particulier Repsol, qu’elle se trouve dans une situation de « crise énergétique » et qu’elle a absolument besoin d’exporter plus de gaz. Il va sans dire qu’en Argentine, de nombreuses voix s’élèvent pour que Nestor Kirchner imite Evo Morales et même qu’il aille plus loin en expropriant les transnationales (premièrement parce que juridiquement elles sont condamnables pour ne pas respecter la loi et deuxièment parce que l’Argentine a les « moyens » d’exploiter ses ressources elle même), mais ca c’est une autre histoire.

Fab, santelmo@no-log.org

DEBUTE UNE NOUVELLE NEGOCIATION POUR LE GAZ DE LA BOLIVIE POUR L’ARGENTINE

De Vido se rend aujourd’hui à La Paz pour renégocier le volume et le prix du gaz que recevra le pays à partir de 2007. Ce qui est en jeu.

Une des demandes la plus audacieuse que l’administration d’Evo Morales formule aux compagnies pétrolières dans le cadre de la nationalisation des hydrocarbures est que les investissements exploratoires, et les pertes quand il n’y aura pas de découvertes, courent exclusivement sur le compte de celles-ci. Sur cette base, les capitaux privés semblent revêches et aujourd’hui la plus grande fourniture de gaz bolivien à la région n’est pas garantie. Mais en considérant le volume total du négoce en jeu, il est invraisemblable de penser qu’il n’y aura pas d’accord : selon des chiffres officiels, seul les réserves à développer sont un trésor équivalent à 150 milliards de dollars. Le ministre argentin de Planification, Julio De Vido se rend aujourd’hui à La Paz pour renégocier le contrat d’importation, qui garantit à l’argentine une part de cette richesse.

L’accord avec l’Argentine, pour vendre 7,7 millions de mètres cube par jour à 5 dollars le million de BTU expire à la fin de cette année et c’est pour cette raison que le ministre argentin ira discuter un nouvel accord qui définisse un volume et prix. Selon ce qui a déjà été prévu, la Bolivie devrait augmenter la fourniture de 20 millions de mètres cube par jour, une augmentation qui suppose construire le gazoduc du nord-est pour administrer r ce gaz additionnel. Mais comme vient de le admettre le titulaire de la compagnie d’Hydrocarbures bolivienne, Gisements Pétrolifères Fiscaux Boliviens (YPFB), cela est seulement possible si 800 millions de dollars sont investis dans le développement de puits dans les trois prochaines années.

A travers de la chambre patronale du secteur et de fondations afines, les compagnies pétrolières reconnaissent qu’elles ont paralysé leurs investissements et que la quantité actuelle ne permet pas de garantir les contrats les contrats souscrits avec l’Argentine et le Brésil, l’acheteur principal, avec 30 millions de mètres cubes par jour. Il est évident qu’ainsi il serait moins viable d’augmenter cette quantité par de nouveaux engagements. La menace affecte de manière directe Buenos Aires.

Fin octobre expire le délai auto-imposé par le gouvernement de l’Altiplano pour rénégocier les contrats avec les transnationales qui opèrent dans ce pays, sans qu’il n’y ait eu de grandes avancées jusqu’à présent. Le premier grand changement dans les règles s’est heurté à la nouvelle loi des hydrocarbures, qui a élevé de 18 à 50 % la proportion des recettes qu’elles doivent céder à l’État en concept d' »impôts » (regalias) pour les petits gisements, pourcentage qui grimpe à 82 % pour les grands.

Maintenant le gouvernement d’Evo doit complètement reformuler les conditions d’exploitation du négoce pour le futur, sous le postulat que ce sera YPFB qui fixera le prix et la destinée des exportations du gaz et du pétrole (ce dernier, pour l’instant, une affaire marginale), et qui détiendra la majorité des actions des entreprises mixtes du secteur, qui seront administrées par YPFB. Cela suppose que la propriété des hydrocarbures sera étatique et que les entreprises se transformeront en « commissionnaires au compte de l’État ».

La clé est comment opérer cette transformation sans chasser le capital privé, pour l’instant nécessaire pour développer les puits existants et pour en chercher de nouveaux, devant la limitation de ressources d’YPFB. La Bolivie a un sous-sol un sous-sol débordant de gaz, mais il est nécessaire de l’extraire.

Dans la situation improbable et hypothétique où il y aurait une fuite massive d’entreprises, YPFB est difficilement en situation d’assumer le développement elle même. Dans ce scénario -sauf un secours contondant du Vénézuéla-, il convient autant à Evo qu’aux entreprises d’arriver à un accord, qui aujourd’hui donnerait à l’Argentine une certitude plus élevée de disposer à court terme des 20 millions de mètres cubes additionels qu’elle souhaite importer.

Cledis Candelaresi, Pagina/12 (Argentine), 02 octobre 2006. Traduction : Fab, santelmo@no-log.org